NSS Schrödinger
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 Une molaire sur mon parquet

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Lester
Psyché
Lester


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MessageSujet: Une molaire sur mon parquet   Une molaire sur mon parquet I_icon_minitimeMar 27 Sep - 19:33

Une molaire sur mon parquet 1159588214

J’ai deux rêves d’avenir, peut-être trois. Quand je les vois, mes semblables, je me demande de quelle race ils font parti. Indécis, stagnants, mû par aucune force spécifique, le jour prochain leur est bien égal. Et moi, qui me débat dans mon angoisse, qui aspire à grande goulée l’air pur d’un fjord en devenir, je me pose des questions. Comment je fais moi, à me débattre et à suer, alors qu’eux posent leurs yeux torves sur moi et mugissent, bêlent ou haussent les épaules, un « je sais pas » qui me terrifie. Comment font-ils ? Je me sens tellement concernée que j’en crierais d’effroi. Les possibilités sont si vertigineuses, infinies et omniprésentes, comme le châtiment et la déchéance que je vois partout et que je sens me guetter.

J
e n’arrive pas à me satisfaire du vide. Il me faut des certitudes que je ne peux avoir, car le chemin n’est pas tout tracé. Pour mon grand bonheur, mais mon plus grand malheur également.

L’avenir, une de mes plus grande peur. Un seul pas de travers, et j’ai l’impression que le piège infernal se refermera sur moi, me laissant tristement morose dans mon cachot, un joli cachot de vie, avec des barbelés aux fenêtres et de la pierre humide et froide aux murs. Parfois, je verrais le soleil illuminer mes poignets, réchauffer ma peau délicate. Ce sera beau, un ersatz de cet air pur des fjords. Peut-être verrais-je fugitivement les petites maisons en bois de Stavanger. S’il fait nuit, ce sera le soleil de Tromsø, un soleil rarement vu à nos latitudes mais parfois imaginé. Alors je serais heureuse, jusqu’à ce que les rayons renvoient dans mes pupilles l’image de cette horrible chaine qui s’enroule autour de mon corps. Cet anaconda lascif m’enserre et me compresse la cage thoracique, empêchant sanglots et larmes de percer la carapace de monotonie et de mes rêves brisés, compactés. Avec le temps, je m’userais. Même le soleil de minuit ne saura réchauffer mon cœur aussi froid que la plus dure des glaces de l’antarctique. Alors à quoi bon ? Si j’échoue, je me sens condamnée.

M
ais même si je parviens à l’idéal que jamais je n’effleurerais, tout pourrait être pire. Qui sait si ce que je veux est ce dont j’ai besoin, ce qui fera que je serais épanouie comme je devrais l’être. J’ai l’impression d’être la seule à avoir conscience que je n’ai qu’une vie, qu’une poignée d’année, qu’un passage, et qu’il faut que j’y laisse ma marque, d’une manière ou d’une autre, non par un quelconque fait historique remarquable, mais par une destinée satisfaisante à sa manière. Accomplir sa légende personnelle, comme dirait Coehlo. Je crois l’avoir trouvée, j’y travaille, mais y parviendrais-je seulement ? C’est effrayant de savoir tout ça à mon âge, de connaître intimement son avenir, mais même avec toute la volonté du monde, peur d’échouer.

Les statistiques, implacables. Les larmes, les destins croisés, enchâssés, eux-aussi. Les rires et les remarques aussi. Incisifs. Ils savent parfois l’être, les « sans-buts », les « inambitieux » ou tout simplement ceux qui ne peuvent comprendre d’avoir la certitude. Je ne leur en veux pas. Je n’ai pas de don de médium. C’est juste écrit, comme toutes ces touches de plastiques qui se soumettent à ma volonté. Elles au moins m’obéissent et avec elles, l’avenir est tout tracé. C’est le seul avenir que je peux diriger sans peur, car il ne changera pas, pas sans que je le sache, même inconsciemment.

L’avenir de mes mots, de mes idées, de mes pixels de caractères. Je les chéris, je vis au travers eux. Parfois, ils me feraient peur si j’avais encore un tant soit peu de raison. Mais je ne l’ai plus.

I
ls me l’ont volée. Mes illusions violées. Mon avenir, incertain, tanguant comme une vieille barque pourrie sur des flots tumultueux.

Je me vois femme, âgée, usée, épuisée, affectée, mal habillée.
Je me vois écornée, ennuyée, châtiée, lassée, bombée du poids des années.
Mais je me vois aussi rassasiée, rassurée, apaisée, ancrée et choyée.
Il faut que je sache que j’ai fait le maximum, et que, quand le moment sera venu, je ne regrette rien.

J’aimerais mourir près d’une cheminée, avec un bon livre en main, ma peau rugueuse qui caresserait le papier parcheminée, les feuilles jaunes qui dansent devant mes yeux comme le feu danse la danse macabre du bois qui se consume. À mes pieds, la cendre se serait déposée, encore chaude, juste assez pour que sa chaleur imprègne dans mes vieilles cellules une douleur qui me rappelle quelques instants ma vie bien remplie, juste assez pour savourer les caractères que je n’arriverais plus à lire mais qui formeront une farandole de carnaval dans mon esprit. Je devinerais la suite de l’histoire, je la façonnerais à ma guise, comme je l’ai toujours fait. Un requiem, une oraison, s’il s’agit des derniers mots, avant que mes doigts soient trop faibles pour tenir la couverture cartonnée.

J’aimerais mourir devant une cheminée, dans un chalet, si possible accompagnée d’une moitié, d’un idéal quelconque, parfait dans toute son imperfection, sublimé par son humanité faillible et chaleureuse. Me perdre un instant dans ses yeux ridés, et sentir une dernière fois le soleil de minuit scintiller dans ma nuque, caresser la peau fripée de ses rayons diaphanes.

T
andis que mon teint prendra la couleur de la neige de Tromsø, si blanche et pure, ma vie se terminera. Simplement, sur un joyeux point final. La buche crépitera avant de soupirer une dernière fois. La fumée s’élèvera dans la cheminée, gagnera la plaine balayée par les vents. Et je gagnerais la mer, j’y nagerais comme un poisson, je me vautrerais dans l’élément liquide du ciel et de la terre.

Mais même si je ne meurs pas à Tromsø, même si je ne meurs pas face au soleil de minuit, celui de midi ou devant la Lune, je veux mourir à l’endroit qui sera le mieux pour moi, celui que j’aurais choisi parce qu’il me convient, que c’est là que je dois être, et pas autrement, qu’il s’appelle Derville-des-Anges, St-Petersbourg ou Reykjavík, ce sera là, et j’aurais accompli ce que je devrai.

Mektoub
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Lester
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MessageSujet: Re: Une molaire sur mon parquet   Une molaire sur mon parquet I_icon_minitimeMar 27 Sep - 19:35

Il y a des soirs comme celui-ci où je me prends à avoir peur.

L'avenir. Pour quelqu'un comme moi, c'est vaste comme un océan. Je nage, je gagne la surface. Parfois je bois la tasse. Je ne me suis encore jamais noyée. Je sais qu'il ne faut pas que je reste trop longtemps sans bouger, sinon elle me guette. La côte est loin, très loin même. L'eau s'étend à perte de vue, je contemple l'océan qui miroite au soleil. Il y a des jours où je me prends à le trouver beau et plaisant, puis une vague plus grosse que les précédentes, une vague que je n'avais pas vu, me happe et m'entraîne vers le fond. Toujours je remonte. C'est une question de survie. Il y a des hauts et des bas, et je me laisse de temps en temps porter par le courant. C'est traître. Je ne devrais pas, mais qui ne le fait pas ?

J'ai peur car je suis au courant du chemin qu'il me reste à parcourir. Plus le temps passe, et plus le brouillard gagne ma vue. Certains soirs, comme celui-ci, je nage à l'aveuglette. Les effluves salées des embruns se mêlent aux vapeurs et brouillent les pistes. Je tourne en rond et me débats au milieu de ces tentacules liquides. J'ai l'impression de n'être qu'un jouet, que jamais je ne retrouverais mon chemin. Pas même une boussole pour m'aider ?

Cet océan est si vaste que je pourrais y demeurer toute ma vie. A force de nager, ma peau s'est étendue et mes doigts se sont palmés. Mais ce n'est pas plus facile, je vous l'assure. L'eau limpide devient de plus en plus profonde et froide à mesure que j'avance, engourdissant mes muscles. Mais je ne dois pas m'arrêter, car je sais que le bout du chemin est peut-être accessible. Après tout, même si les dauphins rient de me voir m'essouffler, peut-être y aurais-je droit ? J'ai peur de m'être trompé de route. Et si ma motivation se cassait ? Que me resterait-il alors que ce début de sillon tracé dans l'écume ? Aujourd'hui je frisonne et grince des dents. Demain ça ira mieux, jusqu'à la prochaine fois, jusqu'aux prochains rires, aux prochaines questions. Demain, un typhon m'attend. L'ouragan ne tardera pas non plus. Pour le moment je guette. Tout va se jouer, et je suis maître de mon destin. Nord, Sud, Est, Ouest. J'ai terriblement peur de ne pas être à la hauteur, de louper ma route. Peut-être est-ce un peu de leur faute aussi, et à l'océan. Je suis sûre qu'il n'y croit pas vraiment non plus, ou alors il cache bien son jeu. Un faux pas, un claquage, et je suis bonne pour me perdre. On dit que je suis trop pessimiste, mais si je ne le suis pas, qui s'occupera de me montrer la voie ? Je suis seule, je décide. C'est déroutant. Je suis une acrobate, une funambule de l'avenir, sans perche. Je dois bien le sentir, et ensuite je m'élancerai.

Et au moment où je perdrai l'équilibre, se rappeler que c'est moi qui ai tendu le fil.

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