Il court, court comme un dératé. Court comme s'il avait le diable à ses trousses. C'est peut-être bien lui après tout, qui le poursuit. Personne n'oserait le regarder en face de toute façon. Et se retourner, c'est risquer de perdre l'équilibre. A cette vitesse, avec son élan, l'équilibre, c'est tout ce qu'il a encore, pour rester en vie.
Sa dernière chance c'est d'atteindre ce foutu "pont". Même pas vraiment un pont, une langue étroite de pierre érodée par le temps et les vents de la vallée. Seuls les fous tentent la traversée, à leurs risques et périls. Une bourrasque un peu trop violente, un caillou sous le pied, et c'est le déséquilibre assuré. Et la mort quelques centaines de mètres plus bas...
Quelques mètres encore, 30 tout au plus. Il ne doit rien lâcher. Il sent presque le souffle haineux de son prédateur dans son cou. Ses poumons le brûlent. Il se promet encore une fois de ne plus jamais remettre les pieds dans cette mine. Et se mord la langue aussitôt. Elle a trop besoin de cette foutue drogue, et c'est le seul moyen de paiement que ces tarés de Crépuscule acceptent...
Il a enfin touché son but ! Il jette son baluchon de toutes ses forces en avant, accélère encore un peu plus et se jette dans un roulé boulé avant, au premier sifflement venteux.
Sauvé ! Il peut enfin reprendre son souffle. Il ramasse son baluchon et jette enfin un regard en arrière. Son poursuivant est déjà reparti à l'assaut d'un autre déjeuner. Il ne saura jamais ce à quoi il vient d'échapper. C'est mieux ainsi. Il n'aura pas à y penser quand il y reviendra la semaine prochaine.
Parce qu'il reviendra... Il a promis à leur père de prendre soin d'elle. Et ils savent pertinemment tous les deux, que beaucoup à Ramah la voit elle, comme un poids à abandonner dès que possible. Et lui, comme un vendu... Un type à qui on ne peut pas faire confiance, même s'il se tue tous les jours à la tâche pour le camp... Leur seule maison sur cette planète maudite.